Vivre paisiblement la fin de son grand âge
Les retraités en quête de nouveaux espaces.
Vivre paisiblement la fin de son grand âge
De Joachim DU BELLAY (1522-1560, ce beau poème : « Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage », on retiendra ici les deux premiers quatrains:
Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage
Ou comme cestuy-là qui conquit la toison,
Et puis est retourné, plein d'usage et raison,
Vivre entre ses parents le reste de son âge.
Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village
Fumer la cheminée, et en quelle saison
Reverrai-je le clos de ma pauvre maison
Qui m'est une province, et beaucoup davantage ?
Sauf la référence à l’antiquité, on voit làce que nombre de Français ayant atteint l’âge la retraite en espèrent en termes de destinations pour les vieux jours. En tout premier, retrouver la famille restée au pays, et le village. L’ancrage familial et local est alors prépondérant. Or beaucoup des Français depuis l’exode rural dès le fin di 19esiècle ont quitté leur province d’origine pour des régions lointaines, en tout premier Paris. La population ne deviendra urbaine, et de justesse, que dans les années trente. L’exode continue mais il change de nature. On ne va plus dans les vieilles régions industrielles, mais vers les villes, y compris les villes moyennes.
La crise écologique, sociale, économique, sanitaire a-t-elle changé la donne Tous ces phénomènes dont l’ampleur est inégalée modifient considérablement la conception de la vie qu’en ont les habitants, et singulièrement, ceux qui ne sont pas plus prisonniers de lieu de leur travail.
Il faut d’abord situer l’environnement socioéconomique de ces années par rapport à ce qu’il était voici seulement quelques années. L’évolution de la société et de la planète se sont considérablement accélérés depuis la pandémie du COVID. Une véritable cristallisation qui ne doit rien au hasard s’est produite à partie de, et autour de cet épisode à bien des égards sidérant. La guerre en Ukraine a accentué tous les phénomènes en cours. Au travers du manque d’énergie, la crise écologique plus ou moins liée au changement climatique a un impact considérable particulièrement sur les classes sociales économiquement et psychologiquement les plus fragiles. L’économie planétaire s’est brutalement déséquilibrée, particulièrement dans les pays comme la France dépendants de l’extérieur pour les sources d’énergie, mais aussi pour les métaux rares. Plus paradoxalement en apparence, nous sommes devenus terriblement dépendants de pays lointains comme la Chine, l’Inde capables de produite plus vite et à moindre coût les médicaments indispensable. La France aurait-elle soldé son industrie aux intérêts du grand capital ? Là apparait la responsabilité des grands laboratoires pharmaceutique mondiaux qui ont cru que ces avantages étaient durablement acquis. Le système libéral connaît à cause de tout cela une crise jusque-là inconnue. Cet état de crise a été très favorisé dans certains cas par des faits de spéculation incontestables.
Voyons d’abord ce que nous apprend le challenge récent du Point. Il nous dit quelles sont les villes les plus intéressantes pour partir en retraite. C’est important, mais il faut aussi se demander à quoi sont liés ces changements de priorité pour le choix des retraités, et qu’est-ce que cela signifie pour l’avenir. Dans une France ou la croissance démographique s’essouffle, même dans les régions traditionnellement attirantes, où vont donc préférentiellement ces gens dans une France vieillissante et de plus en plus déséquilibrées? Le point commun, c’est que de plus en plus on fuit les villes, en particulier les métropoles.
« Vivre paisiblement la fin de son grand âge », cette citation a l’inconvénient de ne parler que de ceux qui sont en situation physique et économique de le faire en bon état. C’est ailleurs qu’il faut chercher le véritable intérêt du texte lui-même. Ce dernier indique que 75 000 retraités ont manifesté leur volonté de changer leur lieu de résidence. C’est autour de ces vœux que nous allons pouvoir conduire la réflexion non seulement sur ce qu’ils montrent des grandes orientations, mais aussi des évolutions des envies de ces gens-là.
Si beaucoup restent là où ils ont eu leur vie actuelle, un nombre significatif essaient de profiter de leur retraite pour aller vivre ailleurs. Pourquoi aller ailleurs ? Parce que l’on ne satisfait plus de sa réalité quotidienne. Ou bien, parce que l’on se sent attiré par d’autres horizons de vie. Le rapport entre les deux varie selon les personnes concernées. Ce qui peut faire fuir les grandes villes, c’est le coût de la vie, de l’immobilier. L’insécurité grandissante, la difficulté à se déplacer. Alors, on regarde ailleurs.
Ces anciens ont des pratiques qui, avec l’âge, évoluent de manière significative. C’est d’abord la baisse d’attractivité pour les retraités et pour bien d’autres des grandes villes, et singulièrement des métropoles qui n’ont plus le vent en poupe. C’est ensuite le changement de l’attractivité des espaces attractifs nationaux. Evidemment, et si on s’en tient aux périodes les plus récentes, c’est l’espace maritime qui attire le plus : le Pays basque, la Méditerranée, la Bretagne…Pour l’étranger, la mode du Portugal faiblit nettement. Les retraités très riches vont vers de destinations lointaines, dites paradisiaques, souvent tropicales, et de préférence paradis fiscaux. On a eu un exemple extrême avec les indestructibles époux Balkany, privés, comme d’autres, de quelques unes de leur « petites » résidences.
Dans l’espace national continental, c’est en particulier le Pays basque qui vient en tête. Avantage à l’ouest, vers les grands espaces océaniques. Biarritz, c’est une ville de moins de 30 000 habitants, dans une l’agglomération Côte basque-Adour à taille humaine qui compte environ 130 000 habitants. On est loin des amas urbains de la Côte d’azur, des côtes espagnoles ou italiennes. C’est aussi une ville côtière, entre les Pyrénées et l’océan atlantique aux humeurs changeantes. C’est une des capitales de cette magnifique région, si riche en traditions. L’ensoleillement y est satisfaisant, les températures raisonnables. Contrairement à la côte méditerranéenne, l’accroissement des températures y est plus limité. Mais les phénomènes climatiques y sont accentués, comme ailleurs.
A l’opposé, une ville comme Nice, pourtant depuis des décennies paradis des retraités perd beaucoup de son attractivité. Des prix excessifs, une forte concentration de la population sont des facteurs très limitatifs. A moins que les retraités les plus aisés, vraiment beaucoup plus aisés ne franchissent la frontière vers Monaco, une ville sure pour les individus et pour les capitaux.
Le fait que certaines villes du top 20 qui parviennent à rester actives pendant l'hiver est de plus en plus prisé. C'est par exemple le cas des deux d’entre elles qui complètement le podium. L’une est méditerranéenne, Carcassonne (Aude). L’autre est atlantique, c’est Dax (Landes). De très nombreuses villes méditerranéennes moyennes voire petites sont bien classées : Narbonne (Aude), Sète (Hérault) ou Béziers (Hérault), 14ème, 17ème et 19ème, Bastia et Ajaccio pour la Corse. Quelques villes de l’intérieur occitanien sont en bon rang : Rodez et Millau pour l'Aveyron. En Bretagne (Saint-Malo, Quimper) et Normandie (Lisieux) s'en sortent aussi, malgré des températures plus basses et des territoires plus arrosés.
Seul, le Grand- Est est peu prisé. Ce grand espace central en Europe de l’ouest souffre sans doute de sa météo trop grise et trop froide, bien que les prix y soient moindres qu’ailleurs.
Un autre classement, celui du Figaro, met davantage l’accent sur les facteurs sociaux et les activités (sports, culture et équipements, solde migratoire, qualité de l’accueil, santé, qualité du cadre de vie, services de proximité et prix du logement) et sur les prix que sur les conditions naturelles. Ceci permet de repérer quelques convergences intéressantes. Ce classement pour les villes de 10 000 à 50 000 habitants s’établit ainsi : Granville, Sète, Dax, Vichy, Agde. Si Sète et Dax sont très bien classées, c’est Granville la normande qui est en tête. Vichy et Agde sont aussi en très bon rang.
Les anciens, ont besoin de se réchauffer les os, comme le dit un viel adage populaire, sans se bruler la peau, comme c’est souhaitable pour nous tous. L’évolution des prix de l’immobilier et le changement climatique peuvent accentuer ces mutations. Les gradients essentiels, c’est vers l’ouest atlantique, et la course à une chaleur tolérable vers le nord.