Surprofits

Taxer les surprofits
Impossible en ce moment et sans doute pour très longtemps de ne pas parler de la nécessité de lutter contre les effets du changement climatique. Nous sommes pourtant inondés par l’actualité immédiate toujours et dramatique souvent : Covid, Ukraine, variole du singe et bien d’autres catastrophes qui font notre quotidien. Tous ces faits ne font pas oublier les nécessités sur la longue durée. A tort ou à raison, les énormes feux qui ravagent le monde nous rappellent à tout moment que le devenir de la planète n’a jamais été aussi incertain. La responsabilité des sociétés est engagée, bien que les stratégies d’évitement se développent et renvoient les responsabilités aux autres…C’est classique.
En France en  particulier, parler de cette lutte tourne immédiatement à la guerre sociale. Les profits réalisés par les grandes entreprises grâce à la crise sont pointés du doigt. Avec ses - 5,7 milliards de dollars au 2e trimestre 2022, TotalEnergie relance le débat sur les « superprofits ». L’entreprise a bénéficié des cours du pétrole et du gaz en hausse à cause de la guerre en Ukraine. Le carburant a longtemps dépassé les deux euros le litre. L’opinion publique a grondé et les réseaux sociaux encore plus fort. Le problème, c’est que Total ne fait qu’une petite partie de ses bénéfices en France.
Dans un édito récent de l’Obs,  Bernard Arnault, le PDG de LVMH, la multinationale du luxe (Champagne, parfums) est mis à l’index. Il fait avec son jet privé 18 vols en mai, soit 46 heures en l'air. Ceci représente 176 tonnes de carbone, soit 17 fois plus que ce qu'un Français moyen produit dans l’année. On peut considérer qu’il pourrait procéder autrement pour réduire son empreinte carbone. Les moyens de travailler à distance existent et se développent rapidement. Téléconférences, télétravail et autres le permettent. En métropole, le TGV a bien rétréci les distances. A l’international, les grandes compagnies aériennes ont une desserte convenable de la planète. Ou bien faut-il considérer que certaines affaires sont impossibles si elles sont hors de portée du vol des jets privés, c’est dire à l’aune de l’heure. Par ailleurs, toutes les décisions à ce niveau nécessitent-elles la présence physique des acteurs ? Certaines, peut-être, toutes, certainement pas
On peut trouver de nombreux autres exemples de ces excès dans des domaines très différents. Les grands bateaux de croisière, les vols à bas coûts non seulement sont extraordinairement polluants, mais en plus, ils amènent en masse sur les sites lointains et fragiles des gens qui ne sont pas forcément très respectueux du patrimoine. Pour beaucoup de ces gens-là, o, ne visite pas on « fait ». Là aussi, on commence à voir que leur accès est règlementé, voire interdit. Des sites numériques bien conçus permettraient sans doute de les voir sans y être obligatoirement physiquement présents.
Pour sourire un peu, disons que la solution, c’est la transportation physique des individus, comme le montre excellemment le roman de Michel Bussi aux presses de le Cité intitulé « Nouvelle Babel ».
Les différentes mesures prises par le gouvernement pour améliorer le pouvoir d’achat des Français sont l’occasion d’exprimer leurs souhaits. 67% d’entre eux trouvent ce plan  insuffisant. Parmi eux, 59% t souhaitent l'instauration d'une taxe sur les superprofits. 41 % ne le souhaitent donc pas. Reste que ce chiffre est suffisant pour poser  la question non seulement de la nécessité, mais surtout de la faisabilité de cette taxation.
Quoiqu’il en soi, réclamer cette mesure constitue un argument fort pour tous ceux qui contestent les décisions du gouvernement et des instances économiques et budgétaires. Ces demandes tournent facilement au populisme.  Taxer les superprofits est non seulement nécessaire, mais devrait établir sinon une égalité illusoire, du moins une équité sociale souhaitable plus juste.
Pour taxer ces profits, il   faut d’abord qu’ils soient réalisés en France, et qu’ils ne soient pas taxés ailleurs, dans un autre pays. Si une multinationale s’estime trop taxée en France, elle peut prendre des mesures de rétorsion et s’installer ailleurs. Leur marché n’est en rien national. L’économie nationale et l’emploi hexagonal pourraient en souffrir. Par ailleurs, sauf à changer de régime économique, les grandes entreprises sont absolument nécessaires à la vie économique de la planète. Elles sont pourvoyeuses d’emplois, de dividendes, de produits très divers. Elles sont très dynamiques en termes de recherche développement, et leur collaboration avec les laboratoires universitaires est une source irremplaçable de revenus pour les chercheurs.
Il faut donc constater, qu’on le regrette ou pas, qu’en l’état actuel de l’équilibre du monde, les grandes entreprises, publiques ou d’état, sont partie intégrante de la vie de la planète. Il faut aussi dire que la répartition des profits ne satisfait guère que leurs responsables et leurs actionnaires. Les écarts de niveau  de vie ne sont pas acceptables à ce niveau d’intensité.
Alors, nombre d’analystes parmi les plus extrémistes demandent depuis très longtemps à ce que les privilèges de ce secteur soient tout simplement abolis. Il y faut alors une révolution planétaire qui pourrait s’appuyer sur des guerres sociales. A l’opposé, on peut considérer que l’on ne peut pas n’y rien changer.
A quel niveau ces superprofits peuvent-ils  être taxés ? Qu’est ce qui pourrait être acceptable qu’est-ce qui est négociable d’un côté comme de l’autre ? Sans cet accord, rien de conséquent n’est possible. De quelle manière peuvent-ils  être taxés ?  L’harmonisation entre les états est indispensable, sinon le jeu d’évitement des grandes sociétés leur permettra de s’en sortir sans grands dommages, et surtout de ne participer que trop peu à l’effort de l’humanité pour éviter l’accentuation des catastrophes climatiques déjà dramatique.
Ca n’est qu’une partie du problème global, mais c’est à prendre en compte. C’est ambitieux, c’est utopique. C’est absolument indispensable.