Sur fréquentation touristique. Des territoires en danger en Occitanie
Les élus de la région et les responsables économiques d’Occitanie se félicitent en cœur que notre région soit une des trois régions préférées des Français. Globalement, l’été est satisfaisant. .Mais certains lieux sont déjà concernés par le sur-tourisme. Le réchauffement climatique va encore aggraver la situation. Où sont les sites les plus visités aucun Où peut regarder les sites les plus visités: aucun site ni dans les PO, ni en Lozère. Trois sont dans l’Aude, 3 dans le Gard, 1 dans l’Hérault. Les concentrations les plus fortes : Cité médiévale de Carcassonne, , la Cathédrale et le Pont des marchands à Narbonne, Aigues Mortes, le Viaduc de Millau, le Pont du Gard, Lourdes, la cité de l’espace et Saint Cernin à Toulouse… Même si les dégâts ne sont pas encore considérables, il faut traiter vite et sérieusement le mal à la racine. Limiter le stationnement, le rendre coûteux, comme dans les centres-villes, à St Guilhem le désert, sur le littoral ou le long des fleuves ou rivières, c’est nécessaire mais insuffisant. En ces lieux, on est au cœur du débat pour l’occupation des espaces touristiques : préserver les ressources de l’activité économique tout en permettant aux gens de prendre des vacances bien méritées. La contradiction entre ces attitudes peut devenir très grave dans un avenir proche. Si rien n’est fait, les espaces sur-fréquentés vont se multiplier. Un peu de visibilité serait bienvenue. La situation est d’autant plus sérieuse que 70 % de la capacité d’accueil régionale est concentrée sur la zone littorale (Hérault, Gard, Aude et Pyrénées-Orientales). L’intérieur des terres n’est pas pour autant épargné, y compris les montagnes. Tout cela tourne autour du contrôle de l’accès selon les lieux fréquentés. C’est par là qu’il faudrait commencer. Les années 60, c’est l’afflux massif de touristes, résultat des politiques nationales et régionales. C’est le tsunami de la mission Racine. Jusqu’à ces années-là, le littoral est pour l’essentiel vide. Les vacances à la mer prennent de plus en plus d’importance. La mode est à la consommation, aux loisirs, à l’individualisme, à la voiture personnelle, à l’hostellerie de plein air. Cette mission fait passer le littoral insalubre à des espaces assainis et accessibles. Les stations sortent de terre, avec un nouveau type d’accueil très à la mode, et une grande liberté pour les pratiques naturistes comme celles de la baie des cochons au Cap d’Agde, du nom des poissons mauves et oranges dits "cochinos". L’envahissement du département date de ces années-là: accès autoroutiers essentiels, chemin de fer et aéroport plus tard. Dès 1962, La liaison autoroutière Orange -Narbonne est ouverte. Jusque-là, le littoral méditerranéen subit l’effet tunnel : on y entre puis on en sort, sans s’arrêter. C’est l’aspirateur espagnol du dépaysement, des prix bas et pourtant sous régime franquiste. Dans certains endroits, on a atteint les limites de l’occupation, même si la tendance nationale actuelle, c’est la forte poussée vers l’arc atlantique, voire la côte d’opale. On est tout de même loin des lieux les plus fréquentés du monde. Les foules considérables qui polluent par le coût carbone des avions et des énormes bateaux de croisières sont ailleurs. Pour nous, seul Sète est concerné par ces dernières. Venise reçoit 22 millions de visiteurs chaque année. A notre échelle, la Grande Motte, c’est 90 000 habitants en plus l’été, contre 7000 en hiver. Des mesures limitées commencent à être prises. L’accès à l’eau oblige déjà à instaurer des parkings payants aux tarifs parfois dissuasifs non seulement sur le littoral, mais aussi le long des fleuves, comme l’Hérault. A l’intérieur des terres, la situation est très tendue, par exemple pour l’Abbaye de Gellone, à St Guilhem du désert. Là, c’est l’aspect patrimonial qui est en jeu, tout comme au pont du Gard, à la cité de Carcassonne, aux arènes de Nîmes. Notre région est la première en France pour les cavités et les grottes ou les abrupts rocheux. L’exemple ancien de Lascaux, plus récemment de la grotte Chauvet peuvent être suivis. Au-delà d’un certain nombre de visiteurs, on peut imaginer une copie en 3D fort réaliste, par exemple pour la grotte des demoiselles. Plus difficile pour Padirac, Rocamadour, l’aven Armand pour lesquels ont peut imaginer des images de synthèse consultables à distance, tout comme pour Gavarnie. Par contre, impossible de suivre l’exemple récent de l’île d’Yeu. Nous n’avons pas d’île qui compte, pas de calanque. A Sugiton, le comité régional de tourisme de PACA a fait passer la fréquentation de 2400 à 400 visiteurs. Il faut inventer un indice, et le calculer. Mme le ministre du tourisme, Olivia Grégoire, est incapable de le définir. Certes, les situations sont extraordinairement complexes et les intérêts des uns et des autres souvent contradictoires. Il « suffirait » de mesurer le degré de l’atteinte aux milieux naturels ou patrimoniaux Comment peut-on limiter cette fréquentation abusive ? Il n’y a guère d’autres moyens de contrôler l’accès aux sites afin d’en limiter l’accueil, soit en en augmentant le coût, soit avec des inscriptions obligatoires (quotas). Localement, Carnon et d’autres ont fait ce choix. D’autres stations suivent. Ce que coûte l’hébergement camping, hôtels, village de vacance peut être raisonnablement dissuasif. On peut même envisager d’augmenter les taxes de séjour. La situation a considérablement changé avec l’irruption des love cost sur le marché des loisirs. Cet essor coïncide avec la volonté des gens d’aller où ils le veulent, si possible loin, mais à un coût acceptable. On ne découvre pas ce tourisme aujourd’hui. Mais il concerne maintenant des gens beaucoup moins riches et plus sensibles qu’auparavant au battage médiatique commercial incessant des agences de voyage et des réseaux sociaux. Il s’agit de pouvoir dire « j’ai fait » tel ou tel pays. Le tourisme de masse pour les destinations lointaines doit être limité, sachant que l’on accentue ainsi les injustices sociales et spatiales. En ce domaine, il faut réussir à concilier ce qui est aujourd’hui inconciliable. On ne peut pas priver les populations qui le désirent et qui le peuvent de connaitre les merveilles du monde. Mais il n’est plus possible de les fréquenter directement sous peine de les faire disparaître. Beaucoup d’initiatives sont prises ici où là, mais cela se passe dans la précipitation, dans le désordre. On arrive parfois semble-t-il à disperser les touristes autour des lieux devenus inaccessibles. Le problème est global. Il doit être pris très tôt et à la base. Certains états ont mis en œuvre ponctuellement des mesures drastiques: l’accès aux lieux touristiques est limité à des quotas. C’est payant, souvent cher. Ce peut être carrément interdit. En France, les maires peuvent prendre des arrêtés de limitation de la fréquentation des lieux de leur commune. Il faut se tourner vers des solutions qui permettent de limiter les accès à ce que les territoires peuvent supporter. On peut aussi bénéficier à distance du plaisir qu’il y a à en connaitre les richesses. Les sites internet permettent de faire des visites virtuelles : des monuments, des musées, des villes, des lieux touristiques remarquables. On peut avoir une très bonne écoute d’un récital chez soi, devant un téléviseur de qualité. Les énormes progrès dans le domaine du virtuel, de la communication à distance permettent aux lieux de devenir accessibles sans invasion physique Les outils doivent être mieux pensés, plus faciles d’accès, plus agréables de fréquentation. Bien sûr, on ne remplace pas l’émotion que l’on ressent devant un tableau dans un musée italien, au musée Fabre devant les toiles de Soulages, ou bien le climat spirituel ressenti dans une grande cathédrale, celle d’Albi, par exemple, sans parler des très nombreuses abbayes. Reste que les pratiques ne peuvent changer que si les mentalités évoluent. Il y faut aussi un véritable procès impliquant tous les acteurs des territoires concernés mais aussi un cadrage et des moyens nationaux inscrits dans une politique nationale spécifique. L’angle directeur pourrait être celui de la recherche d'un tourisme responsable, c'est-à-dire recherchant le meilleur équilibre pour éviter le sur tourisme (dimension écologique), préserver l'attractivité du territoire (dimension économique) et maintenir la nécessité de satisfaire les résidents (dimension sociale). Moins de touristes, mais un tourisme plus responsable et respectueux des lieux, c’est possible ? C’est même indispensable.