Sud de France, la fin 20 ans après.
Cette marque ombrelle constitue un succès commercial incontestable, mais elle est dès l’origine en contradiction avec les textes de l’INA Le vignoble de la région Occitanie est le plus vaste du monde avec 260.000 hectares de vignes et le premier exportateur de vin en volume. C’est dire l’enjeu économique à un moment où les vignes souffrent du changement climatique, de la baisse de la consommation et de la concurrence internationale et des sanctions subies par l’augmentation de taxes. L’étendue ne permet pas de s’exclure des règles de la profession. Les services de la préfecture d’Occitanie expliquent que « La réglementation européenne relative au secteur viticole réserve l’utilisation d’une mention géographique aux seules étiquettes des vins bénéficiant d’une AOP [Appellation d’origine protégée] ou d’une IGP dont le cahier des charges prévoit la référence spécifique à une unité géographique plus grande que celle de l’AOP ou de l’IGP », expliquent
La sanction tombe par une décision du Conseil d’état le 3 décembre 202 qui annule un recours déposé par quelques organisations socio professionnelles.
Elle conforte la décision de 2023. Le dilemme est résolu. Que fallait-il changer, les textes nationaux ou bien l’appellation Sud de France ? ou bien la société « Sud de France développement » décide de ne pas tenir compte de cette demande, et continue à commercialiser ses vins sous l’étiquette « Sud de France ». Oui bien on change la règlementation de l’INAO. Ces règlements sont très anciens, très précis, pensés depuis des décennies et garants d’une qualité certaine. Ou alors, on imagine une modification spécifique qui permettrait de concilier un logo général, et des délimitations précises. Frêche d’abord et ses successeurs ensuite sont restés la première posture…La marque sud de France ne pourra plus apparaître sur les bouteilles des vins de la région. Comment se fait -il que l’état ait mis presque 20 ans pour que des textes nationaux qui font droit partout ailleurs soient appliqués ?
Quelques rappels sont nécessaires. Au départ, en 2006, Sud de France couvre un domaine sectoriel de plus en plus vaste. Dédiée au départ au vin, à l’agroalimentaire, puis au tourisme, elle s’est étendue aux filières des cosmétiques et du bâtiment. Avant cela, la marque était limitée au Languedoc-Roussillon, et Midi-Pyrénées qui avait une marque « Sud-ouest de France ». Cette dernière a rejoint « Sud de France » en 2016.
La difficulté est double. Comment le sud de la France a-t-il été défini par Georges Frêche, promoteur de la marque pour le Languedoc-Roussillon. Pourquoi l’INAO par l’intermédiaire du préfet contestent -ils cette appellation seulement seize ans plus tard.
Malgré ces évidences règlementaires et territoriales, la volonté, les convictions, l’obstination des hommes a conduit à rester dans l’erreur de 2005 à 2025
La réponse est dans l’attitude de nombres de responsables de Montpellier et de la région Languedoc -Roussillon qui ont longtemps pensé que c’était à eux seuls qu’il revenait de décider. Et tout cela a tourné autour d’une double conception erronée : nous sommes les meilleurs dans beaucoup de domaines. Montpellier la surdouée est capitale des Suds européens. Le Sud, c’est nous et personne d’autre. Pourtant G. Frêche conforté par d’autres élus et certains experts géographes ont imposé la marque Sud de France pour le Languedoc. Le Languedoc -Roussillon n’est pas la région la plus méridionale en France. Un sud, certes, mais pas le seul. Le sud le plus au sud est en Corse à Bonifacio (écueil de Lavezzi), pas à Mamanère, le point le plus méridional de la France continentale. La différence est de 110 kms. Mais Frêche lui-même en décide autrement, contre de nombreux avis : « Toulouse, c’est le Sud-Ouest ; Marseille et Nice, c’est le Sud-Est, nous, c’est le Sud », a-t-il déclaré au lancement de la marque. Dès juin 2018, Renaud Muselier déclare : « Cette région (PACA) mérite bien mieux qu’un acronyme. Nous ne sommes pas PACA. Nous sommes la Provence, les Alpes, la Côte d’Azur. Nous sommes Le Sud ! »
Encore faut-il que les règles d’étiquetage soient conformes aux textes. Or, elles ne le sont pas. Sud de France ne peut être ni AOP, ni IGP.
Il faut attendre août 2022 pour que Etienne Guyot, préfet de région Occitanie, déclare que « La mention de la marque "Sud de France" sur l'étiquetage des vins constitue une non-conformité réglementaire passible de sanctions. ». Pour Anne Devailly (le Monde du 21 Aout 2022), tout, ou à peu près tout, pouvait devenir « Sud de France ». Ça n’est plus une marque ombrelle, c’est un barnum. Or, l’appellation d’origine protégée AOP- Languedoc existe depuis 15 ans. Il est clair, selon les cahiers des charges des AOP ou IGP de l’INAO et de France ne peut pas figurer sur les bouteilles de vin.
Les appellations (AOP, IGP…) contiennent obligatoirement des limites géographiques précises. L’Occitanie administrative comme limite ? C’est absurde.
Il ne parle ici que des vins, seuls concernés, mais la question concerne d’autres produits : produits alimentaires, les fruits et légumes, les produits de la mer. Ils continuent à utiliser la marque ombrelle. Cette marque ombrelle peut servir pour des salons ou des opérations de promotion, mais pas pour un usage individuel sur chaque produit.
Les professionnels craignent que cette interdiction nuise aux relations bien établies avec les partenaires, en particulier des pays les plus importateurs (Pays -Bas, EU, Grande Bretagne, Allemagne et Belgique en 2023)
La région a enfin compris que l’on ne pouvait pas rester sur cet entêtement et cette erreur juridique. Elle propose une modification de l’appellation. Patrice Canayer, récemment passé en politique déclare que la seule façon de s’en sortir, c’est de travailler collectivement …Il faut passer d’une marque commerciale à une marque territoriale qui reste commerciale. Le logo actuel n’est plus utilisable pour la commercialisation en 2026. Ce devrait être « Sud de France Occitanie », et un visuel sans mention utilisable sur les bouteilles. Cette appellation ne répond pas non plus aux exigences règlementaires et territoriales des appellations de l’INAO et de la commission européenne. Les décisions pressent pour un tissu économique fragilisé, mais on voit mal comment les exigences règlementaires pourraient être à nouveau ignorées.