Pêter au-dessus du trou de son cul ou bien poéter au-dessus de son luth ?

Nous allons nous situer entre Hannah Arendt et Philippe Geluck. Pour ce dernier : « Si les lentilles vous font pêter, portez des lunettes ». C’est abyssal et idiot. Pour H. Arendt c’est extrêmement sérieux « Les origines du totalitarisme ».

A titre personnel, je ne pense que bien peu en termes de pouvoir. C’est au moins ce que je pensais jusqu’à ce moment privilégié qu’offre la retraite. On a plus le temps d’y penser, on souffre sans doute moins dans sa vie quotidienne de ses effets. Ayant beaucoup réfléchi en termes de géopolitique, ayant beaucoup écrit à ce sujet, le pouvoir, les pouvoirs, je les avais constamment à l’esprit au point avec d’autres d’y voir que c’est son exercice qui conditionnait l’aménagement et l’usage des territoires à toutes les échelles. Bien entendu, dans ma vie professionnelle, j’ai été confronté à des pouvoirs divers venant d’institutions incarnées par des individus différents.  J’ai à peu près toujours réussi y échapper.

Etant fonctionnaire, ce ne sont pas les supérieurs hiérarchiques qui manquent, de l’inspecteur primaire au président de l’université. La manière dont j’y ai échappé, c’est que j’ai presque toujours réussi à dépendre non pas d’un seul supérieur, mais de deux.

En tout début de carrière, c’est là qu’était le plus difficile. C’est pourquoi j’ai tôt fait de m’en échapper en passant les concours. J’ai d’ailleurs eu de petites revanches. Etant un temps directeur de CRPDP, j’ai vu arriver un de ces coqs de campagne, roitelet dans sa circonscription (ils sont directeurs de toutes écoles primaires), un inspecteur que j’avais vu en activité venu me proposer une publication. Il eu la maladresse de me dire qu’il m’avait eu sous ses ordres. Je lui ai fait remarquer que maintenant que c’était moi qui avais le pouvoir de décider si je prenais ou non. Comme de surcroit la réflexion était médiocre, je n’ai eu aucun mal à lui faire une réponse justifiée mais en des termes difficiles pour son orgueil sourcilleux. Petite revanche un peu mesquine, j’en conviens.

Plus tard, étant agrégé et faisant des cours à l’université de Reims auprès de collègues réputés (Brunet, Raynaud, Dorel…), à l’exception d’une inspectrice générale venue me voir à ma demande, je n’ai vu dans mes classes aucun inspecteur…Quand au proviseur, il ne se mêlait pas de pédagogie. Dans ce petit lycée, il n’y avait que très peu d’agrégé, et cette année là (1973) nous arrivions à 3…

C’est surtout une anecdote que j’aimerais rappeler. En toute fin de carrière, le laboratoire où j’étais (le GIP Reclus- Maison de la géographie à Montpellier) avait de très sérieux problèmes politiques et scientifiques. Sa dépendance avec les socialistes me dérangeant beaucoup, je suis parti à l’université, et en particulier mais pas seulement à l’IUFM dirigé lors de sa création par un des chercheurs de ce GIP, Robert Ferras, par ailleurs à l’université Paul Valery à Montpellier. C’est grâce à lui et à R. Brunet que j’ai pu intégrer ce groupement d’intérêt public qui jouissait au départ d’une excellente réputation, tout particulièrement auprès du gouvernement socialiste et des collectivités locales. Robert Ferras a été mon directeur de thèse. Jusque-là, nos relations étaient excellentes et agréables. Il m’avait fait participer à la réflexion sur la création de l’IUFM dont il venait de prendre la direction. J’étais invité en tant qu’expert et chercheur au GIP. Par contre, dès que j’ai occupé un poste dans son établissement, la situation a changé. Je n’avais plus à faire à un collègue et ami chercheur, mais au directeur de l’établissement. J’avais l’impression qu’il voulait me punir de certaines attitudes insoumises, en particulier les critiques que j’émettais là où il le fallait du fonctionnement de ce GIP.

Pourtant, il se vantait de sa proximité avec E. Reclus, le très célèbre géographe proscrit et Anarchistes. Tiens donc, le groupement s’appelait RECLUS (Réseau d’Etude des Changements dans Localisation des Unités spatiales) fondé en 1984 à Montpellier et dissous en 1997.

C’est ainsi qu’il me demandait d’aller faire des cours à Nîmes et à Mende. Contrairement à ce qu’il espérait peut-être, j’ai trouvé beaucoup de plaisir à y retrouver une ambiance « école normale ». Le plus amusant, et je le garde pour la fin, c’est le jour où il me fait un mot qui se voulait menaçant. Il me disait qu’il avait rencontré un haut responsable, ce qui m’avait laissé indifférent, mais j’ignorais alors que j’étais concerné. Il s’agissait du recteur. Ce d’autant que le jour même, je déjeunais en tête à tête avec le préfet Baland qui voulait que nous nous entretenions de mon bouquin sur la région Languedoc-Roussillon. « Paradoxes en Languedoc-Roussillon- Une région surfaite » - Cairn, 2010. Les plus haut représentant de l’état, c’est bien le préfet, non ?

Je n’ai pas eu la méchanceté de porter cela à la connaissance de mon supérieur…mais je m’en suis considérablement amusé. Son orgueil et son égo en auraient trop souffert.