La guerre en Ukraine, toujours et encore.
Cas unique ou étude de cas ?
Depuis plus de 100 jours, cet abominable conflit occupe les médias et nos esprits d’une manière lancinante. Seules, les élections rompent cette obsession. Il est vrai que les télévisions, surtout les chaines continues, les radios et les grands titres de presse y trouvent le moyen d’être lus ou écoutés. Le tirage s’en ressent, et là est bien l’essentiel. Paradoxalement en apparence, les réseaux sociaux sont moins captifs de ces évènements, sauf si cela met en lumière la position des leaders politiques ou d’opinion français.
Dès le démarrage de l’opération dite de police de Poutine en Ukraine, j’étais un des premiers à dire que nous allions avoir à faire à une guerre asymétrique, et que le conflit allait s’enliser. Beaucoup d’exemples corroboraient cette funeste prédiction.
De quoi en général nous parle-t-on, et de quoi parlons-nous ? Du quotidien dans toute son horreur, des tactiques et des stratégies mises en œuvre par les pays en confrontation directe ou camouflée, des situations momentanées de l’avancée ou du recul des troupes ; de l’état dramatique des territoires et des populations civiles pendant et après les combats. En parler, c’est inhumain, c’est absolument indispensable. En général, et grâce à de très nombreux spécialistes, on peut se sentir ou se croire correctement informé à ce niveau. Les généraux surtout et les spécialistes en géopolitique sont aussi nombreux que l’ont été les médecins pendant le Covid. Des colonels ont même pris la place sur les étranges lucarnes de certains généraux. A quand les hommes de troupe ?
Cependant, pour tout chercheur, cette approche, si elle est indispensable est très insuffisante. On peut aussi considérer que si ce conflit est unique, singulier, beaucoup de ces caractéristiques existent dans d’autres conflits, ailleurs et en d’autres temps.
Dans le domaine purement militaire, les stratégies des uns ressemblent fortement à celles qui ont été mise en œuvre par les armées nazies : la tenaille, l’encerclement et l’épuisement des villes. La bataille entre les chars et les moyens utilisés contre eux ressemblent beaucoup à ce qu’ont fait les soviétiques par exemple autour de Stalingrad. Nous pourrions multiplier ces exemples. Il en est e même dans le domaine de l’armement : l’infanterie, les blindés ; la maitrise de l’aire. Ce qui est commun à tout cela : la peur, en particulier celle des populations civiles. Les crimes de guerre absolument abominables sont actuellement en cours de documentation.
Il y va aussi des positionnements planétaires des grandes puissances. Là où elles sont plus ou moins directement en contact, elles ont mis en place des dispositifs susceptibles de réagir si l’un ou l’autre des blocs veut progresser, ou à l’inverse, cherche à se défendre. Pour ce qui est de l’Europe, partout l’OTAN est présent face aux dispositifs russes aujourd’hui, soviétiques jusqu’en 1989. Ailleurs, c’est aussi le cas aux confins des méga état: le Chine, les Etats unis, l’Inde…Tous ceux-là ont des contacts, des confins où le jeu des influences est plus ou moins actif. Toutes les zones potentielles de conflits se trouvent là.
Tout cela est dû à la situation spatiale de ces territoires. Périphériques, ils sont tous en situation de frontière, de limite d’influence, ce qui en fait des espaces très convoités. La frontière politique ne correspond pas toujours avec les limites du peuplement. . C’est ainsi que l’est de l’Ukraine, comme la Crimée, est russophone Ces derniers n’occupent pas tout le territoire de l’oblast du Donbass. La frontière réelle des affrontements potentiels ou réels crée une frontière au sein même de ces états. On est alors non plus sur une frontière, mais sur une interface, celles qui concentre souvent les combats les plus durs.
La prise en compte de tous ces éléments, à la condition de les prendre un à un dans leurs interactions réciproques permettrait de faire du cas unique de l’Ukraine une étude de cas susceptible d’aider à la compréhension et à la prise en compte d’autres espace ailleurs. Nous disposerions alors d’une étude de cas dont l’utilité serait plus importante que la seule mais indispensable prise en compte du cas particulier de l’Ukraine. Cette grille d’analyse pourrait être utile à lire, voire idéalement à prévoir les prochains lieux d’affrontement. On peut craindre que dans une situation géopolitique mondiale en crise, ce type de conflit ne se multiplie…